Abstrakt

L'irénisme est la première étape évolutionnaire du mouvement œcuménique contemporain. On constate sa plus grande intensité du XVIe s. au XVIIIe s. Parmi les nombreux irénistes du XVIe s. André Frycz Modrzewski occupe une place importante, de par son souci à réaliser la réconciliation et l'unité de l'Église. Son oeuvre théologique — qui n'est pas des moindres — dans laquelle se font sentir de nettes tendances iréniques, en est un témoignage évident.
Frycz Modrzewski concentre ses idées de réconciliation autour des problèmes de la notion de l'Église, de la tolérance, du dialogue et de la réalisation de l'idéal chrétien dans la vie. Il remarque avec justesse que l'état de démembrement religieux est contraire à la volonté du Christ qui a fondé une unique Église universelle. Il faut donc tout faire pour rétablir l'unité de l'Église. La base de cette unité est le Christ qui par sa Passion et par sa Mort est devenu le Rédempteur de tous les hommes. Les facteurs d'unité sont en outre la foi et la vie éthique résultant des commandements du Christ; Il faut souligner aussi que Modrzewski ne s'intéresse pas seulement à la structure intérieure de l'Église (celle que prônent les protestants), mais aussi à sa structure extérieure. Dans la hiérarchie de l'église (la nécessité du pouvoir du Pape) il voit un des facteurs nécessaires à l'unité des Chrétiens.
L'unité de l'Église — d'après Frycz Modrzewski — n'exclut pas la multiplicité et la diversité des groupes qui la composent, l'Église étant universelle, l'iréniste voit cette unité dans l'aspect territorial, temporel et sociologique, ce qui veut dire que l'Église doit s'étendre à tous les continents, à tous les groupes sociaux, à toutes les époques. Modrzewski n'attribue à aucune religion chrétienne la qualité d'universelle". L'Église, d'après lui, deviendra universelle au moment où toutes les religions chrétiennes, c-à-d. les religions grecque, éthiopienne, arménienne, russe et protestante, se seront unies. Il énumère aussi leurs nombreux facteurs d'unité. Comme élément décisif, il cite la foi au Christ, en introduisant, entre autres, une curieuse distinction dans union avec l'Église; l'union intérieure et l'union extérieure. La rupture du lien extérieure, c.-à-d. du lien avec l'Église — institution, dans notre cas avec l'Église catholique romaine, n'est pas une rupture avec l'Église de Christ en général.
La période qui précède la réconciliation de l'Église doit être caractérisée par une grande tolérance religieuse dont découle la nécessité du changement d'attitude envers les membres d'autres religions. La tolérance ne signifie pas, chez Modrzewski, l'acceptation de toutes les idées proclamées par les autres, ce qui serait contraire au caractère même de la vérité, dont la base dernière est Dieu. Par ailleurs on ne peut rejeter à priori toutes les opinions controversées. Un dialogue sincère sur les problèmes qui séparent ces religions est donc obligatoire. L'Écriture Sainte, comme source de vérité chrétienne accessible à tous, doit être la base décisive d'une telle discussion. Modrzewski admet aussi la possibilité des différences doctrinales, mais seulement dans les questions secondaires. Les vérités fondamentales doivent être admises par tous les chrétiens parce qu'elles ont été énoncées par le Christ: d'où l'impossibilité d'une interprétation quelconque et de son changement. Le Credo, d'après lui, comprend le minimum des vérités nécessaires.
Très importante aussi est la mise en valeur de la théologie de la foi, qui s'affirme nettement dans de nombreux textes de Modrzewski, dans lesquels il est dit que le rejet d'une notion par un théologien ne peut pas être tout de suite qualifié d'hérésie. Comme la terminologie théologique est très souvent la source des malentendus, l'iréniste demande, qu'on veille sur la clarté des opinions, surtout dans l'interprétation de l'Écriture Sainte.
Modrzewski remarque, en outre, que le problème de l'unité des disciples du Christ dépend en grande partie de la réalisation dans la vie de l'idéal chrétien, comme aussi de la réforme de l'Église. Modrzewski voit aussi la perfection de la vie chrétienne dans la liturgie, encore qu'il faille y introduire la langue nationale. Il constate aussi l'importance de l'Écriture Sainte et la nécessité de sa traduction en polonais. Il invite aussi à prier à l'intention de l'unité des chrétiens.
André Frycz Modrzewski a sa place parmi les plus grands irénistes de l'époque de la Réforme. Beaucoup de ses pensées sont aujourd'hui des plus actuelles. Elles sont, en effet, très proches des déclarations du „Décret sur l'oecuménisme".