La présence, souvent douloureuse, de l'alternative humaine „être ou ne pas être”, au monde d'aujourd'hui est évidente. Elle marque aussi bien la vie individuelle de l'homme (MOI) que la dimension sociale de son existence (NOUS). Sous cet aspect, l'expérience vécue (pratique) est confirmée par les analyses théoriques (heuristique, herméneutique) du monde de l'homme. Parmi les „signes de temps”, mettant en relief l'originalité de ce monde, il faut énumérer celui qui vise la „fragilité” de son existence historique. C'est alors d'un certain paradoxe qu'est accompagné l'anthropocentrisme du monde contemporain: d'une part revendiquant son autonomie et son autarcie, mais d'autre part toujours ouvert et échappant sans cesse à sa propre domination. Dans ce contexte l'alternative „être ou ne pas être”, constituant un élément essentiel de la définition même de l'existence historique de l'homme, devient le lieu spécifique qui fait converger les questions les plus fondamentales, à savoir celle du „sens de la vie” et celle de la „liberté”. C'est à travers ces questions qu'on peut (on doit) envisager l'horizon englobant la „totalité” du monde de l'homme dont l'organisation vers l'Avenir ne peut pas se passer d'une vision globale fonctionnant comme une certaine hypothèse unissant l'ensemble des éléments de cette organisation.
Parmi les „hypothèses”, prétendant expliquer le monde de l'homme, il y en a une, accompagnée d'un attribut „révélée”. A la lumière de cette hypothèse la logique de l'existence mondaine de l'homme devient théologique. Le processus de la vérification de cette hypothèse, bien qu'il soit interminable à l'intérieur de l'histoire, il dispose d'un nombre suffisant (progressant) de raisons intramondaines pour justifier la décision de lui faire confiance.
CREATION — voilà le mot-clé qui englobe tous les détails du contenu compliqué de cette hypothèse. La création c'est un processus dialogique: c'est de l'originalité entitative de l'homme („image de Dieu”, „liberté”) que résulte le mystère de sa coopération dans le processus de son propre „devenir”. Ce processus se réalise par étapes: appelé par son Créateur gratuitement à l'existence historique (I étape) l'homme doit accepter cette existence comme promesse de la vie éternelle et comme „lieu” de sa propre initiative créatrice (II étape); ainsi répondant positivement (négativement) à son Créateur il attend le „jour” d'une „nouvelle création” (tenant compte de la réponse de l'homme) qui, terminant le processus dialogique de la création, commencera la plénitude de son existence promise (III étape).
Il en résulte que le sens de l'existence historique de l'homme est étroitement lié au mystère de l'alternative créatrice „être ou ne pas être”. Si l'homme veut accepter son être promis, il doit faire la vérité de cet être. Cette vérité n'est pas réalisable qu'à travers une équation (simultanéité) mystérieuse: MOI = NOUS = DIEU.
C'est alors dans le phénomène des libres relations (amour, don) qu'est cachée la vérité d' «ÊTRE HOMME». Il faut donc „perdre” sa vie pour la „gagner”; ce risque d'amour conditionne l'Alliance créatrice divino-humaine. Comme le „Fils” constitue le „lieu” unissant l'homme et Dieu dans le mystère de la même „vie divine”, c'est au „Fils” qu'il a appartenu aussi de faire restaurer cette Alliance créatrice après son interruption causée par l'homme. Depuis l'intervention historique du „Fils” la continuation de la création dialogique de l'homme est en même temps „salvatrice”; Dieu-Créateur est devenu aussi „Dieu-Sauveur” et l'achèvement du processus créateur de l'homme (III étape) s'appelle à la fois „Salut”.
Ce processus „post Christum” est alors accompagné par une dialectique spécifique d'un „déjà” et d'un „pas encore” de son propre achèvement. Le rassemblement créateur des hommes (MOI = NOUS) autour du „Fils” (Christ) s'appele Eglise. D'où le problème de l'appartenance à l'Eglise est de même celui de l'alternative „être ou ne pas être”. Il en résulte que l'Eglise constitue cette part de l'humanité qui accepte son être promis. Cette acceptation s'identifie à une marche transformatrice du monde de l'homme vers son Avenir. La vérité de cet Avenir (justice, liberté, paix, etc) faite à l'intérieur de l'histoire conditionne la qualité de vie commune de l'Homme-en-devenir.
Ajoutons, qu'on ne peut pas réduire cet HOMME-EN-DEVENIR, dans la spécificité de sa subjectivité (création = devenir Sujet), ni à la réalité d'un MOI, ni à celle d'un NOUS. Ce Sujet spécifique ne peut pas se passer de l'élément de RELATION unissant inséparablement des réalités MOI et NOUS humaines. C'est aussi à travers cette unité que se joue l'alternative „être ou ne pas être” de l'homme.