"Le croyant ne vit pas "a côté" du monde d'aujourd'hui. Il y est toujours "placé" de fait sans que sa foi soit parvenue à expliquer son rapport à la réalité vécue dont il fait partie. Cette réalité est marquée par une interdépendance spécifique entre l'orientation vers l'avenir du libre dynamisme humain et le progrès d'une sécularisation émancipatrice, poussant progressivement l'espérance "divine" hors des occupations quotidiennes de l'homme. On ne voit même pas la raison pour lutter explicitement contre Dieu "dépassé". On cherche, purement et simplement, à s'en passer.
Ainsi, l'athéisme d'aujourd'hui, devenu une sorte d'humanisme autarcique, n'est souvent qu'une attitude espérantielle de l'homme fixant, avec optimisme, son regard sur les possibilités productives, latentes à l'intérieur de son monde.
A la réflexion théologique d'un croyant, il ne reste alors qu' à descendre dans la même réalité mondaine pour vérifier comment y fonctionne le choix fait par son frère-incroyant. C'est au nom de l'avenir commun qu'on commence à s'interroger réciproquement: Dans quelle mesure le processus d'hominisation du monde s'identifie-t-il à celui de l'humanisation? Le monde moderne "en progrès", devenu anthropocentrique, est-il de même anthropo-logique? Pour l'homme-même, la logique de son être au monde n'a-t-elle vraiment pas besoin d'être aussi une théo-logique?
On peut dire que l'article présent constitue une sorte de réponse à ces questions posées ci-dessus. Pour différents que soient les contenus y abordés, ils ont trouvé une certaine cohérence dans l'horizon universel d'une responsabilité humaine, créatrice et transformatrice, par rapport à l'avenir commun de l'humanité tout entière.
Comme J. B. Metz passe actuellement non seulement pour le protagoniste le plus autorisé d'une nouvelle théologie politique, mais que l'on classe aussi sa théologie parmi les plus grands courants contemporains de la théologie de l'espérance, c'est justement sa pensée théologique qui a été prise pour point de départ de nos réflexions.
Les trois aspects d'analyses dont l'article se sert pour approcher la structure spérantielle du monde de l'homme, essayaient de mettre en relief quelques-unes de nouvelles perspectives contenues dans ce projet théologique ou le monde se révèle d'abord comme monde social et historique, l'histoire comme histoire de l'achèvement, la foi comme espérance, la théologie comme critique eschatologique de la société.
Sous tous les trois aspects (cosmologique — anthropologique — politique) le monde de l'homme apparaît comme une question ouverte qui échappe sans cesse à toutes sortes de démarches essayant d'établir, une fois pour toutes, la définition théorique de son essence. La conception de l'avenir du monde, de même que celle du sens total de l'histoire, ne sont donc pas liées à un déploiement téléologique, adéquat et prédéterminé, des possibilités immanentes de la structure spérantielle du monde-même.
L'homme „en devenir”, revenant à lui-même à travers l'histoire, n'est pas de "ce monde". Mais, le monde-même, appartenant au mystère de la liberté humaine, est engagé inséparablement dans le dialogue d'amour, mené par l'homme avec son Dieu: Créateur et Sauveur. Le principe de cet engagement n'est ni celui d'identification, ni, non plus, celui d'alternative. Il s'agit plutôt d'une sorte de dialectique liée au "risque d'amour". Ce "risque", faisant partie de l'espérance chrétienne, donne un sens positif à l'ouverture de la totalité historique du monde en la considérant comme "lieu" et "contenu" d'une libre décision de l'homme "pour" ou "contre" son accomplissement promis.
La logique du dynamisme historique de l'homme, marqué par l'unité radicale des vecteurs: „conversio ad Deum conversio ad mundum — conversio ad seipsum", n'est donc pas mise en question par la chaîne anti-téléologique de l'histoire: "liberté-ouverture-décision-avenir". Elle n'est, au bout du compte, qu'une eschato-logique.
Ainsi, la théologie de Metz, analysée sous l'aspect déterminé par la formulation du titre de cet article, apparaît comme une théologie de la décision spérantielle de l'amour humain dont le dynamisme créateur et transformateur a pour but d'affirmer (accepter) d'une manière progressive la vérité de l'être humain, et non de l'accomplir (installer) intra-historiquement. Il semble, que cette vision globale du monde de l'homme, renfermant les conceptions spécifiques des réalités historiques (transcendance, liberté, vérité, concupiscence, mondaneité du monde, réserve eschatologique, amour, espérance, etc.) puisse chercher et trouver, du moins au niveau "pratique", un langage commun avec la dynamisme historique des espoirs du monde d'aujourd'hui. La question sur "Dieu" y apparaît non seulement au niveau d'un "besoin religieux" de l'homme, mais aussi sous l'aspect de son fonctionnement réel par rapport à la structure d'espérance du monde de l'homme.